Une instructive comédie institutionnelle s'est déroulée dans une école de Forest, qui laisse un goût amer tant sur l'implication des autorités communales dans la recherche de la vérité et la protection des lanceurs d'alerte policiers, que sur la soupape sociale que constitue le mécanisme de l'interpellation citoyenne...
Le Comité Anderlechtois contre les violences policières aura du patienter. Longtemps. Tracasseries administratives ou peu d’empressement du Conseil de police de la zone de Bruxelles-Midi à prendre position sur un problème qui lui fait mal au fondement ?
Une soixantaine de citoyen.nes étaient réuni.e.s devant une école de Forest ce lundi depuis 18:30, à attendre de pouvoir pénétrer dans le saint des saints, pour écouter les réponses de Mme El Hamidine et MM. Cums et Spinette, ainsi que du chef de corps.
Premier obstacle à franchir pour le.la citoyen.ne : être autorisé.e à entrer
La porte ouverte, on nous informe que la présidente de séance, Mme El Hamidine, du haut de son pouvoir discrétionnaire de faisant fonction, a limité le nombre de participant.e.s à 45. Pourquoi pas 15 de plus ? Mystère. Chat échaudé craint l’eau froide, réminiscence des remous dans la salle au mois de juin sans doute…
La salle où se tient le conseil n’est qu’à moitié remplie de chaises, des piles de chaise non utilisées sont alignées sur les côtés, toute la salle est amplifiée par des hauts-parleurs.
Tant pis pour ceux.celles qui se dévouent pour laisser leurs camarades assister au spectacle de la démocratie en action.
Second obstacle : filmer le conseil de police
Malgré les caméras, mixettes, perches et autres matériels envahissants installés par la presse dans la salle, lorsque l’on pose un pauvre micro devant les principaux intéressés, la Présidente se rebiffe et fait remarquer qu’ELLE n’a pas autorisé les enregistrements. Non mais. Toujours ce fameux pouvoir discrétionnaire parfaitement « démocratique ». Veuillez arrêter l’enregistrement Monsieur !
Les journalistes eux, ne veulent pas s’en laisser compter, c’est de la liberté de la presse qu’on cause, non ?
Troisième obstacle : conserver son temps imparti d’interpellation
L’interpellation du Comité est la seconde à l’ordre du jour. La première a largement débordé sur l’horaire, et la Présidente avertit d’emblée l’orateur qu’il devra faire court.
S’agit-il d’une simple réunion de travail, ou bien d’une tribune pour les citoyen.nes face à leurs élus ? Peut-on abréger la parole citoyenne pour des questions de timing, alors qu’il leur a été si compliqué d’arriver à se hisser à cette tribune ? L’horaire prime sur l »expression citoyenne, c’est ça la « démocratie » ?
Une fois les échanges lancés, ne pas se laisser distraire par les interruptions systématiques de la Présidente, qui entend bien jouer son rôle de MC et faire comprendre à ces gens que c’est elle qui décide de la conduite des débats et de l’ordre, quitte à les menacer de faire évacuer la salle (par deux fois).
Quatrième obstacle : connaître son texte
À peine la lecture du texte de l’interpellation a-t-elle commencé que la Présidente se penche pour l’interrompre : ce n’est pas le texte qui a été soumis au Conseil. Protestations. C’est exactement le même texte.
L’Autorité se fait pédagogue : cher Monsieur, pour que le Conseil puisse répondre à vos questions, il faut qu’il ait connaissance du texte qui lui est soumis, vous comprenez ?
Renseignement pris, la soumission préalable du texte de l’interpellation n’est pas exigée par le règlement d’ordre intérieur, et c’est par pur courtoise que le Comité l’a adressé au Conseil…
Tergiversations. De guerre lasse, et pour ne pas perdre encore plus de son temps imparti, l’orateur prend le texte que lui tend l’Autorité. Tout un symbole ?
La Présidente a décidé, la « démocratie » doit se plier.
Cinquième obstacle : ne succomber ni à l’indignation, ni à l’hilarité
Après moult interruptions, viennent les Réponses tant attendues. On ne sera pas déçu.e.s.
D’abord la Présidente El Hamidine elle-même, qui se répand en considérations lénifiantes éthérées sur le rôle de la Police, sa diversité, la qualité de son service, et qu’il n’y a pas violence ni de racisme systémique dans la police, et que la route est longue mais on y arrivera, et que la Commune fait tout ce qu’il faut et blabla et blabla. Rrrrrrrrrr…. Elle, ce sont les principes.
Au tour de M. Cums, qui rappellera brièvement combien sont importants ces moments de « démocratie » et exigeantes de chacune des parties. Vient ensuite le réquisitoire contre les affirmations éhontées de l’orateur, qu’il se fait fort de réfuter, en se fâchant tout rouge et à grand coup de « Je vous mets au défi, Monsieur, de prouver que j’ai bien eu connaissance de ce rapport« …
Leçon de procédure pénale, véhémence grotesque de l’animal politique blessé, agressé dans sa chair, qui se défend devant un parterre de gens écœurés par la mort d’Adil, 19 ans il y a 3 ans. Cums, c’est la défense des institutions outragées par les mensonges ingrats des citoyens.
Pour clôturer, M. Spinette prend le témoin. On entre dans le technique, le juridique, analyse des méthodes policières, formation, jurisprudence et tout le toutime. Le tout sur un ton monocorde, tandis que la salle gronde, sent qu’on se fout d’elle, que le show a été bien préparé, que chacun des trois intervenants connaît son rôle… Spinette, c’est la rationalité, le bon père de famille qui rassure comme un livre, il le dit alors c’est vrai.
Sixième obstacle : se satisfaire de peu
À l’issue des échanges, on attend toujours des réponses précises aux questions posées :
- en tant qu’employeur, allez-vous vous porter partie civile ?
- qu’allez-vous faire pour protéger les policiers lanceurs d’alerte auteurs du fameux rapports ?
Et pas des bribes d’info confuses comme on en a entendu ce soir.
Ainsi se termine ce bel exercice de « démocratie ». Ça fait beaucoup de barrière à la libre expression citoyenne, non ? Mériterait bien une interpellation citoyenne sur le pouvoir discrétionnaire d’empêcher l’interpellation !
Prochaine étape : l’audience de la chambre du Conseil, le 9 janvier 2024.
- ObsPol